YSSIA
Elle court à travers les flammes et la fumée, le cœur haletant. Elle souffre de son coude mais elle tente de ne pas y prêter attention. Son seul but actuellement est de retrouver ses parents à travers les corps fumants. L’odeur est désagréable. Celle-ci lui donne à chaque seconde envie de vomir. Outre les odeurs, ce qu’elle perçoit est bien moins innocent. Ce qui s’offre à la jeune fille sont des cadavres de tirs, des débris, des maisons détruites et des membres d’humains éparpillés.
La survivante pleure. Elle pleure de douleur. Elle pleure de peur. Elle ne s’était pas attendu à cela. Des attaques venant du ciel. Des attaques destructrices. Pourtant, elle était tranquillement avec ses parents, à manger sous le signe de la joie. La petite Yssia racontait à ses parents ce qu’elle avait appris à l’école. Quand elle avait su qu’elle pourrait rentrer dans un établissement grâce à des dons humanitaires, elle avait sauté d’euphorie. Dès que Yssia pu apprendre à écrire, elle avait écrit des lettres destinées aux personnes qui lui avaient permis cette belle aventure. Elle était si heureuse.
Si heureuse et maintenant si triste. Yssia arpente les rues, la chemise et la jupe sales. Un long filet de sang coule le long de sa béante ouverture au coude. Avec son autre main, elle faisait pression sur sa plaie de toutes ses forces. C’est alors qu’elle trébuche, la tête la première. Mais au lieu de percuter le sol, sa tête rencontra une peluche, sa peluche. Un hoquet de surprise prit en otage sa bouche. Elle le reconnut grâce à son oreille, différente du reste du corps. Elle s’empresse de le prendre dans ses bras et de le serrer, des souvenirs lui revenant. Des nouvelles larmes s’écoulent de ses yeux. Brouillé dans sa vue, elle s'essuie les joues et se relève péniblement.
Du haut de ses huit ans, elle ne se rend pas encore compte qu’elle fait partie des 12 % des survivants de la ville. Heureusement, elle habitait à l’extrémité. Sa maison n’avait pas trop souffert. Seulement des vitres cassées et une façade détruite. Ils étaient sortis rapidement de la maison lorsqu’un deuxième bombardement les avait séparés. Dans un dernier effort, Yssia cri le nom qu’elle donne à ses parents : « Mama ! Papa ! » Sa vue devient de plus en plus nette. Yssia discerne alors une silhouette en face d’elle, une arme à la main, la visant. La petite écarquille les yeux. Sa peluche tombe. Ses larmes coulent de plus en plus vite, sous ses yeux fermés.. Elle semble accepter son sort.
L’inconnu glisse son arme dans son dos et se baisse sur Yssa en entendant des coups de feu. Lorsque ceux-ci cessent, l’inconnu attrape la fille et sa peluche. Yssia se débat quelque peu mais finit par se laisser faire, trop faible. Ils font plusieurs mètres ainsi, à vérifier que personne ne les suit. Yssia comprend et le serre de ses petits bras. Au risque de sa vie, l’inconnu va l’aider à survivre. L’homme sourit. Il est apaisé qu’elle lui fasse confiance.
Rapidement, le duo gagne une maison. L’homme toque à la porte avant de poser l’enfant et la peluche. Il glisse son arme vers l’avant et se met en position, dos à la porte, prêt à tirer. La porte s’ouvre timidement. Une tête passe par l’encadrement. C’est une jeune femme qui porte un bébé endormit. Yssia la regarde un long moment avec admiration. L’inconnu baisse son arme et embrasse rapidement sa femme. Celle-ci murmure un « Reviens-moi en vie Hassan ». Ils collent leur front quelques secondes avant que l’homme fasse demi-tour.
Yssia grelotte de peur. Une peur empathique. Elle rentre dans la maison. Elle est sauve. La jeune fille découvre l’intérieur de la maison. Elle est vide. Vide de vie. La jeune mère entraîne Yssia dans la cave. La salle est remplie de couvertures, de bouteilles d’eau, d’alimentations séchées mais aussi de visages fatigués, des personnes endormis, blessées ou défigurées. Elle en reconnaît la moitié. Nombreux sont des adultes.
Un homme se lève en sursaut à la vue de la fille, de sa fille. Les retrouvailles sont en larmes, en geste d’amour, en explosion de sentiments. C’est un long câlin qui les unis et qui les meurtrit. Yssia comprend que sa mère n’a pas survécu. Dans le plus grand silence, ils s’assoient. L’adrénaline quitte le corps de la jeune fille qui s’endort de fatigue contre son père.
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