UN DERNIER SOUFFLE
Elle s'imaginait, le cœur plein d'espoir, que tout irait bien. Elle s’imaginait qu’après toutes ces années, le bonheur lui sourirait enfin. La dure réalité la rattrapait, encore et encore. Quand tout cela sera fini ? Est-ce qu’après des années, elle pourra soigner sa douleur ? Elle s’était imaginé sourire, d’un sourire sincère. Un simple acte qui donne du baume au moral. Pourtant, ce n’était visiblement pas son heure, pour se reposer, pour pouvoir apprécier l’air frais sans se soucier du temps.
À la mort de son dernier parent, une femme aux idées bien défini, la jeune enfant pensait pouvoir libérer ses ailes. Elle pensait qu’elle pourrait enfin vivre l’enfance qu’on lui avait volée. Elle avait trop vite espéré. Les personnes se chargeant de son cas lui avaient trouvé un tuteur. Elle en avait fait des cauchemars avant même de le rencontrer. Froid, de glace, stricte, arrogant, impartial. Elle l’avait imaginé sous toutes les coutures les plus sombres. Et quand ce fut la rencontre, l’enfant savait qu’elle ne s’était pas faite d’illusion. Il était comme tel, monstrueux.
Sa mère, encore heureux, n’avait jamais porté la main sur elle. Ce n’était que violence mentale, psychologique. Et lui, il était horrible avec elle, lui créant des hématomes, des ecchymoses, sur tout le corps. Elle ne se reconnaissait plus, bossue, brisée, tordue. En y repensant, en prenant du recul, elle préférait cette forme de violence. C’était direct, franc. Alors que la violence de sa mère la prenait aux tripes. Elle pensait vivre pire, et en fin de compte, c’était un pas de plus vers le bonheur.
Elle n’avait jamais voulu tuer sa mère. Certes, elle y avait pensé quelques fois. Son lien de parenté le lui empêchait. Après tout, sa mère n’avait jamais voulu d’elle, violée, humiliée, salie. Son dégoût avait pris de l’ampleur sur l’éducation. Sa mère non plus n’avait pas réussi à y mettre un terme. Son enfant l’avait écœuré mais le sentiment le plus présent était la colère. Pendant toutes ces années, sa mère s’était détestée. Détestée d’être lâche. Pourtant, ça aurait réglé toute cette situation. C’était le seul regret de l’enfant, qu’on l’ait forcé à survivre.
Mais cette fois, tout était différent. La douce enfant pouvait en finir. Cet homme devait arrêter ses actes. Le seul moyen était la solution la moins facile à faire. Elle ne pouvait pas sortir de l’endroit où elle était retenue prisonnière. Et à moins de ressembler à une grande gueule cassée, elle devait agir avec discrétion et méthodiquement. Mais la question la plus évidente était le après. Que devrait-elle faire une fois son acte fait ? Survivre encore ? S’abandonner enfin ? Elle n’arrivait pas à se décider et ce fut à cause de ça qu’elle mit tant de temps à mettre en place cet acte de cruauté.
Un beau jour, elle le fit taire, pour toujours. Dans le bureau de l’homme, elle trouva un appareil photo instantané. Nue, elle se prit en photo devant un miroir. Dans une lettre, elle expliqua pourquoi elle avait dû faire ce qu’elle allait faire. Elle devait se confesser, peindre la réalité. Elle avait laissé les photos et la lettre sur le corps sans vie de l’homme. Elle n’était qu’à quelques pas de la liberté. La liberté qu’elle voulait s’offrir.
Ne sachant pas nager, elle avait plongé dans la grande piscine du monsieur. Long et douloureux, elle n’avait pas trouvé d’autres solutions. Elle voulait finir sa vie meurtrie en se punissant de ce crime libérateur. Une dernière bulle s’échappa de ses lèvres. L’enfant venait de quitter cette vie qui lui avait tant déchirer le cœur. Les yeux fermés, le visage crispé de douleur, son âme la quitta. L’enfant était libre, prête à rejoindre sa nouvelle vie, qui lui donnerait tant d’amour.
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