RÉSURRECTION
Le chemin lui parut long pour arriver jusqu’ici. Un grand silence régnait. Il faisait froid. Des torches étaient allumées à intervalle de deux mètres. Les couloirs étaient tapissés de bordeaux ainsi que des formes losangées. Le sol était recouvert d’un carrelage gris terne.
Louis se frotta les yeux, essoufflé, et reprit sa marche. Il n’arrivait plus à réfléchir correctement. Depuis combien de temps était-il là ? Ses lèvres viraient au bleu au fur et à mesure que ses pas le guidaient. Tremblant, les bras croisés contre lui, il essayait de se réchauffer en se frictionnant.
Un détail dans son environnement le frappa. Il découvrit son prénom et son nom sur l’une des nombreuses portes que contenait le couloir. Le geste indécis, il posa finalement sa main droite sur la poignée. Le cœur battant, il tourna lentement celle-ci et poussa doucement la porte.
Il s’attendait à tant de choses mais certainement pas à ça. Un lit d’hôpital s’offrait à lui. Un bip à battement régulier, prouvait que la personne était en vie. Louis regarda autour de lui. Il n’y avait personne. Seulement lui et cette personne. Les jambes flageolantes, il s’approcha à pas de souris, comme s’il avait peur de le réveiller. Penchait au-dessus du lit, son cœur rata une pulsation. La peur dans le regard, le jeune garçon de douze ans tomba à la renverse. Il se tourna, les fesses contre le sol, et s’adossa au lit. Il pleurait. Il ne comprenait pas. Il sanglotait. Pourquoi ?
Louis s’était vu. Il s’était vu sur ce lit, inerte, blanc, sans expression, même pas une esquisse au coin des lèvres. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Une voix, douce, chaleureuse, mais tremblante, se fit comme un écho dans la salle. Il l’a reconnu. C’était celle de sa mère. Elle semblait pleurer.
Mon garçon. Je… nous… tu nous manques. J’espère que tu m’entends, qu’ils ont raison en disant que tu sens notre présence.
Louis se releva avec difficulté. Une douce odeur de parfum parcourait la pièce. C’était celle de sa mère. Le jeune garçon comprit. Il comprit qu’il était dans le coma, à attendre que le ciel se décide s’ils voulaient le garder ou non.
Nous t’aimons. Nous t’aimons si fort. Ton père arrive bientôt, reprit l’écho.
Le cœur de Louis se serra en l’entendant. Elle semblait si bouleversée. Il se posa alors des questions. Comment était-il arrivé là ? Avait-il chuté ? Quelqu’un l’avait-il poussé ?
Maman ? Essaya Louis.
Mais la voix du jeune garçon se perdit avant de toucher les murs. Il retenta, réessaya, à plusieurs reprises, en vain.
Où est mon garçon ? Cria une voix lointaine.
Cette voix était masculine et se rapprochait à mesure que le père entrait dans la pièce.
Oh… non… Louis… Parle, dis-moi quelque chose, tu m’entends ?
Louis sentit des mains chaudes lui toucher le visage, comme le vent caresse des feuilles d’un arbre. Ensuite, il eut l’impression qu’on lui prit la main et même qu’on y déposa un baiser dessus. Le jeune garçon se remit à pleurer. Il pleurait de tout son corps, de toute son âme. Il se laissa à nouveau tomber par terre, tête contre sol. Il avait cette sensation qu’il ne se réveillerait jamais, qu’il resterait ici, à entendre des voix dont il oubliera le nom. Il se prit par les épaules, prit d’un violent hoquet de peur et de colère. Et si ses parents venaient même à l’oublier ? Lui, leur petit garçon ? Cette pensée accentua son sanglot.
Non ! Ne me laissez pas ! Cria Louis du plus fort qu’il pouvait. Je vous supplie, ne me laissez pas !
En criant aussi fort, il espérait que sa voix ne s’étouffe pas avant d’avoir touché les parois. Il hurla et hurla à s’en briser la voix. Bientôt fatigué, bavant de tristesse et de colère, il s’endormit finalement à même le sol, dans la faible chaleur que lui procurait les draps de son corps.
Ce fut des petits coups à la porte de sa cellule qui le réveilla. En sursaut, il releva la tête et attendit. Le son se reproduisit. Bizarrement, Louis savait qu’au troisième coup, il raterait sa chance. Le garçon se leva d’un bond et ouvrit la porte. Une silhouette lumineuse se tenait devant lui. Louis dû plisser des yeux face au rayonnement que projetait la personne.
Vous êtes un ange ? Se risqua le garçon. Un ange qui vient me chercher ?
De nouvelles larmes montèrent aux yeux de l’enfant. Le ciel semblait avoir fait son choix. La silhouette s’agenouilla à la hauteur de Louis et lui caressa le visage d’une main maternelle.
Oui mon garçon. Je t’emmène.
Louis tressailli malgré la chaleur qu’apportait l’ange.
Non ! Je ne veux pas ! Ils ont besoin de moi.
Le garçon crut voir la silhouette sourire. Il serra les poings pour montrer sa détermination à vouloir rester ici.
Le chemin sera long et incertain. Tu es sûr ?
Louis se tourna vers le lit où reposait son corps. Il s’en rapprocha et regarda son visage. Il hocha la tête pour montrer qu’il n’était pas prêt, pas encore. Il voulait se donner une chance.
Alors soit. Tu auras toujours le choix.
La porte se referma lentement, laissant l’enfant seul dans une presque obscurité. Soudain, le sol se mit à trembler. Les murs se fissurèrent. Le lit se balançait sur les côtés. Louis poussa un cri strident et s’accrocha au lit. Il sentit le sol se dérober sous ses pieds. Bientôt, la cellule sombra, comme un ascenseur qui chutait à toute vitesse. Louis volait. Il devait s’accrocher pour ne pas être séparé de son corps. Il arriva avec grande difficulté à se hisser sur le lit et se tenait à présent au-dessus de lui. Louis se prit dans ses bras au bout d’un instant. Au moment où leur corps se touchèrent, le temps sembla s’arrêter. À présent, Louis ne volait plus. Il flottait. Ils flottaient. Bloqué dans l’obscurité, le garçon tourna la tête sur chaque côté pour essayer de distinguer le moindre détail.
Il se sentit aspirer. Il se sentit enfermé dans son propre corps. Louis se sentait si lourd, si lasse et si fatigué. Il essayait de bouger son index mais c’était comme s’il essayait de faire bouger une montagne. Il tenta d’ouvrir les yeux mais ses paupières étaient comme verrouiller. Louis se força à réaliser un ultime essaie. Il grogna la bouche fermée. Un faible son sortit de ses cordes vocales.
Mon chéri ? S’étonnèrent heureux les deux parents.
Louis grogna une nouvelle fois. Sa mère prit sa main droite dans les siennes et son père fit de même avec sa main gauche. Ils faisaient ça pour l’encourager à sortir de ce mutisme. Presque trois ans s’étaient passé mais leur amour inconditionnel leur avait permis de se retrouver.
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