L'ENFANT MIRACLE
Il faisait nuit, froid. La faible lune était cachée par les nuages voyageurs. L'on pouvait entendre les feuilles danser entre elles au gré de l'air frais. La place était calme et la statue de Jeanne d'Arc surplombait son royaume sans vie.
Lorsque les étoiles furent enfin visibles dans cette immensité, des pas timides retentirent en écho dans la place. Les cheveux de la silhouette dansaient au bon vouloir du vent. Emmitouflé dans un gros plaid, la silhouette tenait fermement contre elle une forme qui remuait de temps à autre.
Un cri brisa le silence. L'écho de celui-ci prit de l'ampleur en rebondissant sur les murs des voisins lointains. La forme gesticula de plus en plus et la silhouette dû redoubler d'effort pour la tenir. Au bout de quelques secondes qui parurent des minutes, la forme se calma et le silence reprit les rênes de la place.
Une voix douce sortit de la bouche de la silhouette, une voix paternelle, bienveillante.
On arrive bientôt ma princesse.
L'homme déposa un baiser protecteur sur le front du bébé et la colla contre son torse, sous la grosse couche du plaid, afin de la garder au chaud. Enfin apaiser, la petite s'endormit miraculeusement.
La silhouette leva les yeux vers la statue, arrivé à mi-chemin dans la place. Il s'arrêta quelques secondes, et malgré la faible luminosité, on pouvait apercevoir un sourire sur ses lèvres.
Jeanne. Ce sera ton prénom ma princesse. Si elle est d'accord.
Il souffla pour se reprendre et de la buée sortie de sa bouche. L'homme reprit sa traversé et dépassa la statue. Comment allait-il expliquer cela à sa femme, qui l'attendait sans inquiétude à la maison ? Il avait beau se faire tous les scénarios possibles, l'homme savait que son imagination ne pouvait pas ressembler à la réalité.
Réfléchissant à s'en tordre les méninges, il venait à peine de remarquer qu'il y avait que quelques pas qui les séparaient de la porte d'entrée de la maison. L'homme se mordit la lèvre et hésita. Au fond de lui, il savait ce qu'il voulait faire, mais était-ce une bonne idée ? Il inspira et toqua d'une façon qui ne lui ressemblait pas : timide et discret. L'homme se demandait même si sa femme l'avait entendu, jusqu'à ce qu'il entende le grincement des clefs tournant dans la serrure.
La porte s'entrouvrit et une femme passa sa tête dans l'encadrement. Lorsqu'elle comprit qui était le visiteur, elle s'apprêta à le rouspéter. Elle se tut rapidement lorsqu'elle remarqua une forme s'étirer sous le plaid. La femme s'empressa de se mettre sur le côté afin de laisser son mari entrer.
À qui est-il ? Se risqua la femme.
Cette question faisait partie des innombrables scénarios qu'il avait hormis de penser.
Elle est à nous. Avant que tu ne poses d'autres questions, je l'ai vu devant le porche de l'orphelinat, avec une lettre. J'ai hésité. Je sais combien tu souffres de ton corps, d'être stérile, alors j'ai décidé de faire les choses justes.
La femme prit le bébé entre ses bras et découvrit son front d'un bonnet de laine. Elle s'assit sur le rocking-chair et berça l'enfant. Elle invita son mari du regard de poursuivre.
Je suis entré dans l'orphelinat. Ils n'ont pas posé plus de questions, la lettre était claire. La petite sera à la première famille l'a demandant, sans distinction. J'ai rempli les papiers me concernant. Et demain, ils attendront ta signature. Ne t'inquiète pas pour l'argent, tout est réglé.
La femme était toujours silencieuse. Son mari reprit de nouveau pour ne pas la perdre.
Je pensais à Jeanne.
Jeanne, chuchota calmement la femme. Jeanne Marie Louise Campal.
L'homme se plaça derrière sa femme et posa des délicates mains sur ses épaules. Une larme de bonheur glissa le long de sa joue. Cela faisait trois ans qu'ils attendaient un signe. Et le miracle venait de se produire. Jeanne allait découvrir le bonheur des Campal, auprès de ceux qui ont tant donné pour enfanté. Jeanne, l'enfant miracle.
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