LE PÈRE CROIN
Je sais que c'est égoïste de ma part mais j'aimerais être seul. La solitude ne m'a peut-être pas toujours servi. Sauf pour les ennuis. Pendant de longues heures, je me pose des questions à lesquelles je réponds au fur et à mesure. Je fais des plans, exécuté par mes soins. Le Père Croin n'est pas content de moi et je m'en fiche pas mal. Un jour, je serais ce que je veux faire. Mais le temps, je dois trouver des occupations. Je m'en lasse de mes plans. Mais quoi faire d'autre ? Jouer à la marelle ? À un deux trois soleil ? Ce n'est pas de mon âge ou plutôt de ma mentalité. J'aime le danger. Les sensations fortes. Mon seul désir est de partir d'ici. Mais je n'ai jamais réussi. À quoi bon continuer ? J'en ai marre.
Enfin voilà mon père qui arrive, sa deux chevaux se montre. Je hume l'air. Histoire de dire un « au revoir » à cet endroit. Le Père Croin me fait un bisou baveux sur la joue. Je me la nettoie d'un revers de manche avec dégoût. Il me soûle, je le soûle. Mais notre histoire est plus compliquée. Le Père Croin est un pervers très futé. Combien de fois je suis tombé dans le panneau pour m'en apercevoir. Je le regarde d'un mauvais œil. Un jour, je le ferais payer.
Mon père me tend la main et je la prends.
Le Père Croin s'effondre alors. Je comprends tout de suite son jeu. Il veut que je reste plus longtemps ici. Comme si tout ce que je lui ai fait endurer n'a servi à rien.
Mon père le regarde un instant et m'amène dans la voiture. J'en ai marre. Je suis très contente que mon père vienne me chercher mais alors là que le Père Croin me vole des minutes avec lui, je refuse ! Je souris à mon père et donne un énorme coup de pied pile dans le ventre du Père Croin. Un gémissement comparable à une poule en train de mourir sort de sa bouche. Mais je m'en fiche. J'ai prouvé à mon père que le Père Croin n'est pas mort. Mon père me sourit et me tapote la tête. Je ne suis pas un chien mais c'est mon père. Je me laisse faire. À la voiture, je lui fais part de mes nouveaux bleus. C'est une réussite, j'en ai moins que l'an dernier. Je lui raconte mes histoires avec le Père Croin. Ce dernier sera dispensé de son préféré. En effet. Il me verra plus. Mon père a trouvé un travail où il peut me voir plus souvent. Voilà ce qui me fait plaisir. Je vais enfin être un fils exemplaire. Adieu Père Croin. Je ne te reverrais plus jamais.